Coronavirus : l’employeur peut-il imposer la prise de congés payés ou de RTT ?

Lorsqu’il est impossible de maintenir le salarié à son poste en raison des effets de l’épidémie de coronavirus, l’employeur peut être tenté d’imposer la prise de congés payés ou de jours RTT.
Éclairage sur la marge de manœuvre dont il dispose en la matière et à si brève échéance.

L’épidémie causée par le virus « COvid-19 » bouleverse le quotidien des entreprises et des salariés. Cette situation de crise est montée d’un cran depuis que le Gouvernement, après avoir officialisé le 14 mars 2020 le passage du stade 2 au stade 3 du plan de prévention et de gestion de la crise sanitaire engendrée par le coronavirus, a renforcé les règles de confinement le 16 mars.

Remarque : outre les établissements scolaires, ce sont les lieux publics non essentiels qui sont fermés depuis le 14 mars minuit (pour une liste de ces lieux, voir Arr. 14 mars 2020, NOR : SSAZ2007749A : JO, 15 mars), entraînant ainsi le maintien à domicile de nombreux salariés.
Face à cette situation inédite, les entreprises sont amenées à prendre des mesures exceptionnelles, préconisées ces derniers jours par le gouvernement pour  faire face à  un ralentissement de l’activité ou la mise à l’isolement de certains de ses salariés.

Les mesures prises varient selon que le salarié est parent ou non.
Les principales d’entre-elles sont :
• le recours au télétravail qui est une mesure à prioriser ;
• si le salarié est un parent d’un enfant de moins de 16 ans contraint de rester à domicile en raison de la fermeture de son établissement scolaire, l’employeur peut, à la demande du salarié et si le télétravail est impossible, remplir une attestation disponible sur le site Améli valant arrêt de travail. Le salarié dans ce cas peut bénéficier d’un arrêt de travail en bénéficiant d’indemnités journalières maladie et du complément de salaire de l’employeur dans les conditions dérogatoires exposées dans notre actualité du 18 mars 2020 ;
• les commerces et entreprises contraints de fermer ou de réduire leur activité, peuvent également imposer le dispositif d’activité partielle à leurs salariés.

Lorsque ces mesures ne sont pas possibles ou pour les éviter, l’employeur peut-il imposer à ses salariés de prendre des congés payés ou des RTT dès cette semaine ?

Pas de possibilité d’imposer des congés lorsque ceux-ci n’ont pas encore été posés.
Lorsque le salarié n’a pas encore posé ses congés, l’employeur peut lui demander de les prendre dès maintenant mais ceux-ci peuvent refuser.
Si l’organisation des congés payés relève du pouvoir de direction de l’employeur, il doit respecter un calendrier précis et ne peut pas imposer à ses salariés de prendre des congés dès la semaine prochaine.
En effet, en l’absence d’accord d’entreprise ou d’établissement (ou à défaut, d’accord de branche), outre le fait que l’employeur doit définir, après avis du CSE, la période des congés et en informer les salariés au moins deux mois avant l’ouverture de cette période, il doit également informer chaque salarié de ses dates de départ au moins un mois avant celui-ci (C. trav., art. L. 3141-16 et C.trav., art. D.3141-5).

Au regard de ce calendrier, il semble juridiquement impossible pour l’employeur d’imposer des dates de congés à une si brève échéance pour faire face à l’isolement de ses salariés ou à une baisse d’activité. Remarque : toutefois, il convient de préciser que certains salariés pourraient préférer prendre leurs congés payés plutôt que de se trouver dans une situation d’activité partielle qui est moins bien rémunérée. Dans ce cas, l’employeur et le salarié peuvent décider de la date de prise des congés d’un commun accord.

Possibilité de déplacer les congés déjà posés.
En revanche, lorsque le salarié a déjà posé ses congés pour une période à venir, l’employeur peut les déplacer unilatéralement sur une autre période pour couvrir tout ou partie du confinement ou de la fermeture de l’activité où est affecté le salarié mais à certaines conditions (C. trav., art. L.3141-16)(Q/R. n°25, 9 mars 2020).

En principe, les dates de congés posées par le salarié et validées par l’employeur ne peuvent être modifiées que dans le délai fixé par accord collectif d’entreprise ou d’établissement (à défaut, par accord de branche) (C. trav., art. L.3141-15).En l’absence d’un tel délai conventionnel, l’article L.3141-16 du code du travail fixe un délai de prévenance à « au moins un mois avant la date de départ prévue ». Si c’est bien l’employeur qui fixe l’ordre des départs, il ne peut pas, sauf circonstance exceptionnelle, les modifier sans l’accord du salarié lorsque ce délai n’est pas respecté. Les circonstances exceptionnelles peuvent être justifiées par la force majeure ou une nécessité impérieuse de service dans des circonstances contraignantes (ex. : fabrication et livraison urgentes).

Est-ce que la situation actuelle peut être qualifiée de «circonstances exceptionnelles » ?
Elle pourrait tout à fait l’être même si à ce jour il n’existe aucune jurisprudence se rattachant à cette situation. Possibilité de déplacer les « jours RTT employeur »
S’agissant des jours de repos liés à un accord d’aménagement du temps de travail (appelés jours RTT), l’employeur dispose de plus de souplesse. Lorsqu’un accord collectif d’entreprise prévoit que certains jours RTT sont posés à l’initiative du salarié, et d’autres à l’initiative de l’employeur, ces « jours RTT employeurs » peuvent être imposés pour faire face à cette situation. Plus précisément, s’ils ont déjà été positionnés par l’employeur, ce dernier peut les déplacer en respectant, notamment, le délai de prévenance prévu par l’accord collectif (Q/R. n°21, 9 mars 2020) Le salariés peut-il demander le report de ses congés payés ou de jours RTT déjà posés ? Tout comme la fixation des dates de départ, le report des congés se fait avec l’accord de l’employeur. Sauf dispositions conventionnelles, ce dernier n’a aucune obligation d’accepter la demande du salarié. S’agissant des RTT déjà posés par le salarié, il convient de se reporter aux modalités prévues par l’accord d’entreprise.