L’Eu-Osha a renouvelé son enquête (ESENER) sur les risques nouveaux et émergents. A des niveaux différents selon les pays, des tendances ressortent comme la présence toujours globale des risques de TMS et de facteurs de RPS, mais aussi une prise de conscience des risques liés à la sédentarité.
Sédentarité, troubles musculosquelettiques (TMS) et risques psychosociaux (RPS) font partie des préoccupations majeures en 2024 en Europe, dans un contexte de développement du télétravail et de numérisation. C’est ce qui ressort des premières conclusions de la dernière enquête sur les risques nouveaux et émergents (ESENER) de l’Eu-Osha qui ont récemment été publiées. Cette quatrième enquête, réalisée en 2024, couvre plus de 41 000 établissements de toutes tailles et de tous secteurs d’activité dans 30 pays européens.
TMS et sédentarité
Comme en 2019, les TMS restent la première famille de risques, les deux principaux facteurs étant la position assise prolongée (64 % des lieux de travail concernés contre 61 % en 2019) et les mouvements répétitifs des mains ou des bras (63 % vs 65 % en 2019). Viennent ensuite le soulèvement ou déplacement de charges lourdes (52 % comme en 2019).
La position assise prolongée est le facteur de risque le plus fréquemment signalé ce qui « apporte un éclairage supplémentaire sur la prise de conscience de la position assise en tant que facteur de risque pour la santé », note l’Eu-Osha. Cette position est le plus souvent déclarée par les établissements des activités financières et d’assurance (88 %), de l’administration publique (88 %) et de la communication (84 %).
Les RPS, une famille de risque qui pose des difficultés
Concernant les RPS, William Cockburn, directeur exécutif de l’Eu-Osha, alerte : « 25 % des organisations ne reconnaissent toujours pas l’existence des risques psychosociaux, révélant une lacune majeure ». C’est en Italie (47 %) et en Lituanie (44 %) que la proportion d’établissements ne déclarant aucun facteur de RPS est la plus élevée. Pour les secteurs, il s’agit principalement de l’industrie manufacturière et de l’agriculture. A l’inverse, cette proportion [d’établissements ne déclarant aucun facteur de RPS] est la plus faible pour des pays comme la Finlande, la Belgique ou l’Allemagne.
Dans une proportion significative d’établissements, les facteurs de RPS prennent la forme d’une difficulté à gérer des clients, patients ou élèves difficiles (56 %) et la pression temporelle (43 %). Pour les organisations qui ont conscience des enjeux liés aux RPS, 21 % les perçoivent comme plus difficiles à gérer que les autres risques, notamment en Suède (38 %), au Danemark (37 %) et en Finlande (35 %). Pour ceux-ci, la réticence à parler ouvertement de ces questions semble être la principale difficulté pour aborder les RPS (59 %). Sont aussi mentionnés le manque de sensibilisation du personnel/de la direction et le manque d’expertise ou de soutien spécialisé.
Plus positif, une légère amélioration est constatée dans la proportion de l’existence de plans d’action contre le stress (39 % des établissements de plus de 20 salariés vs 33 % en 2019) et de procédures pour traiter les éventuels cas d’intimidation ou de harcèlement (55 % en 2024 vs 45 % en 2019).
Comme dans les enquêtes précédentes, trois-quarts des établissements interrogés indiquent procéder régulièrement à des évaluations de risques. Les proportions varient par pays : 95 % en Espagne, 93 % en Italie vs 57 % en France et 46 % au Luxembourg. Parmi ces organisations qui évaluent les risques, 64 % déclarent disposer d’informations suffisantes sur la manière d’inclure les RPS dans cette évaluation (vs 60 % en 2019). Les chiffres les plus élevés proviennent des Pays-Bas (79 %), de l’Espagne (71 %) ainsi que de l’Italie et du Danemark (70 %).
Pour les organisations qui déclarent avoir mis en place des mesures de prévention des RPS au cours des trois années précédant l’enquête, 55 % indiquent que les salariés ont joué un rôle dans la conception et la mise en place de ces mesures, soit une baisse par rapport à 2019 (61 %) et 2014 (63 %).
On peut noter que la prochaine campagne “Lieux de travail sains”, prévue en 2026 par l’Eu-Osha, visera justement à sensibiliser sur l’impact des RPS sur la santé mentale des travailleurs.
Télétravail et numérisation
L’enquête confirme aussi la hausse du télétravail : 23 % des établissements concernés en 2024, contre 13 % en 2019, et 40 % en Finlande et aux Pays-Bas. Les évaluations des risques qui couvrent les lieux de travail à domicile augmentent même si les parts restent faibles (8 % en 2024 vs 3 % en 2019). Par contre, moins d’un cinquième (18 %) des entreprises déclarent consulter leurs salariés sur les pratiques de travail à domicile.
L’Eu-Osha a inclus une section de questions sur l’impact de la numérisation sur la santé et la sécurité des travailleurs. Ces réponses montrent une prise de conscience accrue des effets de la numérisation sur la SST. Par exemple, 43 % des évaluations des risques couvrent l’utilisation des technologies numériques, et ce chiffre dépasse 60 % en Espagne et en Slovénie.
Les ordinateurs sur les lieux de travail (87 %) et les ordinateurs portables (83 %) sont très présents dans tous les secteurs et toutes les tailles de structures. Les nouvelles technologies sont moins répandues, mais certains secteurs affichent des proportions supérieures à la moyenne : 21 % des établissement du secteur de l’information et de la communication déclarent utiliser des systèmes ou des ordinateurs qui utilisent l’IA (moyenne UE : 7 %), et l’utilisation de machines, ou systèmes surveillant les performances ou le comportement des utilisateurs est signalée par 15 % des établissements du secteur des transports et de l’entreprise (moyenne UE : 7 %)
Les facteurs de risques associés à ces technologies numériques sont les TMS et des facteurs de RPS : l’intensité accrue du travail (34 %), la surcharge d’informations (32 %) et le brouillage des frontières entre vie professionnelle et vie privée (27 %).
Enfin, l’enquête note cette avancée : 35 % des établissements utilisant des technologies numériques consultent désormais leurs salariés, contre seulement 24 % en 2019.
Remerciements à Clémence ANDRIEU pour son article paru sur Editions Législatives
Basé sur l’article paru sur VP Net