Covid-19 et épargne salariale

Dans un Questions-réponses publié le 17 avril dernier et mis à jour le 27 avril, le ministère du travail donne des précisions sur les effets de l’état d’urgence sanitaire lié au Covid-19 en matière d’épargne salariale.

Possibilité de report au 31 décembre 2020  du versement des sommes dues au titre de l’intéressement et de la participation

Une possibilité de report d’ordre public 

L’ordonnance n°2020-322 du 25 mars 2020 reporte à titre exceptionnel au 31 décembre 2020, la date limite de versement aux bénéficiaires ou d’affectation sur un plan d’épargne salariale des sommes attribuées en 2020 au titre d’un régime d’intéressement ou de participation (Ord. n° 2020-322, 25 mars 2020 : JO, 26 mars). Le même report est applicable est possible pour l’affectation des sommes dues au titre de la participation sur un compte courant bloqué.

Remarque : rappelons que les comptes courants bloqués ne peuvent plus être créés depuis le 24 mai 2020 (Loi Pacte), sauf dans des cas bien circonscrits.

Le ministère précise que ces dispositions sont d’ordre public. L’employeur peut décider de reporter le versement des sommes sans autre formalité. Toutefois, ceux qui peuvent signer un avenant temporaire à l’accord applicable sont encouragés à le faire. A défaut, il leur est  conseillé d’informer les représentants du personnel ainsi que les salariés, par mail et/ou par courrier. Concernant l’information des bénéficiaires, elle peut être effectuée par tout moyen de communication, voire d’en combiner plusieurs (mail + courrier postal). Compte tenu des difficultés actuelles, il est préconisé de laisser aux salariés concernés des délais plus souples pour faire part de leur choix à l’entreprise et au teneur de compte.

Le report s’applique à tous les salariés

Tous les salariés doivent être soumis au même régime : il n’est donc pas possible de décaler le versement de l’épargne salariale pour certains d’entre eux et pas pour d’autres. Il est toutefois admis que certaines opérations aient lieu avant d’autres (exemple : traitement des versements en compte courant bloqué puis des versements en plan d’épargne). De même, il sera possible d’accorder un versement anticipé aux salariés en précarité financière.

Planning des opérations

Le report de l’option à effectuer concernant l’épargne salariale s’effectue selon le calendrier suivant :

  • l’envoi des bulletins d’option permettant aux bénéficiaires de choisir entre versement immédiat ou investissement des sommes pourra être différé par rapport aux délais conventionnels habituels, à condition de rester compatible avec la date butoir du 31 décembre, soit un envoi le 15 décembre 2020 au plus tard ;
  •  les versements sur le compte bancaire du bénéficiaire ou sur son plan d’épargne interviendront le 31 décembre 2020 ;
  • les intérêts pour versement tardif ne seront dûs que si les sommes sont versées après le 31 décembre 2020.

Le ministère précise toutefois que le 31 décembre 2020 constitue une date limite et que le recueil des choix des salariés et le versement des sommes qui leur sont dues doivent autant que possible intervenir dans des délais proches de ceux prévus conventionnellement.

Les sommes seront réputées avoir été versées à la date normale

S’agissant des sommes affectées à un plan, pour ne pas léser les bénéficiaires et même si elles sont versées à une date proche du 31 décembre, elles seront réputées avoir été investies sur un plan depuis le 1er jour du sixième mois suivant l’exercice de calcul.

Remarque : il s’agit d’une précision de bon sens puisque le rallongement du délai de versement a d’abord été décidé pour simplifier la tâche des établissements teneurs de comptes, eux aussi impactés par l’épidémie.

Les sommes ainsi investies seront donc bien disponibles 5 ans plus tard (soit le 1er juin 2025 pour les entreprises dont l’exercice est calé sur l’année civile), même si, en pratique, elles ont par exemple été affectées au plan le 15 novembre 2020.

Abondement de l’employeur : les ajustements possibles

Le code du travail (C. trav., art. R. 3332-11) prévoit que l’abondement auquel l’employeur s’est engagé peut être affecté au plan d’épargne du salarié en même temps que le versement effectué par ce dernier,  ou, au plus tard, à la fin de l’exercice, donc fin 2020 pour les entreprises dont l’exercice est calé sur l’année civile. Si le salarié quitte l’entreprise avant la fin de l’exercice, l’abondement doit être versé avant son départ.

Le ministère précise 2 points :

  • si le règlement du plan fait référence à l’article R. 3332-11 du code du travail, l’employeur pourra, sans autre formalité, retarder le versement de l’abondement à une date ultérieure, sans toutefois pouvoir dépasser la date de fin d’exercice même si, en temps normal, il verse cet abondement au moment où le salarié affecte ses sommes;
  • si le règlement du plan ne renvoie pas à cet article mais fixe une date impérative distincte de la fin de l’année civile et que l’entreprise souhaite la décaler du fait de la crise actuelle, ou si elle souhaite modifier le montant de l’abondement pour faire face à des difficultés de trésorerie, elle devra modifier le règlement du plan selon les modalités prévues durant la période d’urgence sanitaire (réunions de négociation tenues à distance notamment). En cas d’échec des négociations (et donc PV de désaccord), dans les entreprises dotées d’au moins un délégué syndical ou d’un CSE, un avenant modificatif pris unilatéralement pourra suffire (en application de l’article L3332-4 du code du travail).

Rétribution des salariés ayant contribué à la poursuite de l’activité Concernant l’attribution éventuelle d’un supplément d’intéressement ou de participation pour récompenser les salariés, le ministère du travail précise que ces sommes « ne pourront pas cibler une catégorie de salariés en activité en 2020 mais pourront servir à motiver un personnel stable qui aura contribué à pérenniser le fonctionnement de l’entreprise en 2020 ».

Impact de la crise sanitaire sur la répartition de l’intéressement et de la participation

Les accords d’intéressement et de participation peuvent prévoir une répartition proportionnelle à la durée de présence, sachant que la loi (C. trav., art. L. 3314-5 et L. 3324-6) assimile certaines absences à du temps de présence (congé maternité, arrêt consécutif à un accident du travail ou une maladie professionnelle…). L’accord peut également assimiler d’autres périodes à du temps de travail effectif. Il est donc possible – mais pas obligatoire – de négocier un avenant assimilant comme tel les périodes d’arrêt de travail dérogatoires pour garde d’enfant ou isolement lié au Covid-19. S’agissant en revanche de l’activité partielle, l’entreprise n’a pas le choix et doit considérer ces périodes comme du temps de travail effectif : lorsque la répartition est proportionnelle à la durée de présence du salarié, la totalité des heures chômées est prise en compte. Lorsque la répartition est proportionnelle au salaire, les salaires à prendre en compte sont ceux qu’aurait perçus le salarié s’il n’avait pas été placé en activité partielle. Le ministère indique que ces règles sont à appliquer strictement.

Disponibilité et déblocage des sommes placées

Qu’en est-il des sommes devenant disponibles durant la période d’urgence sanitaire ? Le ministère précise que le principe du report des délais prévu par l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 n’est pas applicable au déblocage de l’épargne salariale (lorsque les sommes sont devenues disponibles à l’issue du délai légal). Le ministère précise toutefois que, compte tenu de la situation, certains avoirs arrivant à échéance en même temps pourront être versés à des dates différentes. S’agissant en revanche des sommes dont le salarié demande le déblocage anticipé, le principe du report des délais s’applique : le terme du délai de 6 mois à compter du fait générateur, permettant au salarié d’effectuer sa demande (C. trav., art. R. 3324-23), est également reporté. Lorsque le délai de 6 mois arrive à échéance entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire , la demande du salarié sera réputée avoir été faite à temps si elle a été effectuée dans un délai maximal de deux mois à compter de la fin de cette période.

Remarque : Ainsi, si l’état d’urgence sanitaire (actuellement en vigueur jusqu’au 24 mai prochain) est, comme le projet de loi déposé le 2 mai le prévoit, prolongé jusqu’au 24 juillet, la demande de déblocage anticipé présentée par le salarié sera valable si elle a été présentée avant le 24 octobre (24 juillet + 1 mois donc 24 août, augmenté de 2 mois, donc 24 octobre).

Le Ministère anticipe le cas où le salarié aurait du mal à se procurer les pièces justificatives devant accompagner sa demande : dès lors que la demande aura été réalisée dans le délai requis, même si les pièces justificatives sont fournies postérieurement, sa demande sera considérée comme valide et le déblocage devra être effectif, à hauteur du montant demandé.

Survenance d’un cas de déblocage anticipé entre la date de versement normalement applicable et celle retenue en pratique si l’entreprise utilise la faculté de report

Que se passe-t-il si un cas de déblocage anticipé (naissance …) survient  entre la date de versement initialement prévue par l’accord d’intéressement ou de participation et la date effective de versement si celle-ci a été décalée comme le permet l’ordonnance n°2020-322 du 25 mars 2020 ? Par exemple, alors qu’une participation est en temps normal versée/investie le 31 mai, un fait générateur intervient le 30 septembre.

Or, la participation 2019 est exceptionnellement versée/investie le 31 octobre 2020 et le salarié effectue sa demande de déblocage anticipé le 30 novembre.
Par principe, ne peuvent être débloquées que les sommes inscrites au compte du salarié au moment de la survenance du fait générateur. Dans l’exemple ci-dessus, le salarié ne pourrait obtenir le déblocage anticipé que des sommes figurant sur son compte au sein du plan d’épargne salariale au 30 septembre, en excluant la participation 2019 versée en 2020. Or, en l’espèce le versement tardif s’impose au salarié et n’est nullement de son fait. Dès lors, à titre exceptionnel, et compte tenu du fait que la participation 2019 aurait dû être investie sur le plan d’épargne salariale au 31 mai 2020, il sera admis qu’elle soit débloquée, même si son investissement est postérieur au fait générateur, dès lors que ce fait générateur est antérieur et que cet investissement aurait dû être antérieur à la demande du salarié

src Marie Excoffier, Guides RH