Coronavirus

Faut-il « décontaminer » ses courses ?

Extrait du site internet : Allodocteurs

Les réponses d’un virologue et d’un infectiologue

L’élan de désinfection qui a pris les Français ces derniers jours se heurte à une autre question : le virus peut-il entrer par nos courses alimentaires dans les maisons confinées ? Selon un virologue et un infectiologue, ce n’est pas le cas.

Faut-il « décontaminer » ses courses ? Les réponses d'un virologue et d'un infectiologue

« Non, il ne faut pas ‘décontaminer ses courses’ », soupire Bruno Lina, virologue, directeur du Centre National de Référence de la grippe. « Le problème de la contamination par le coronavirus, ce n’est pas ce qu’on mange, c’est ce qu’on respire. » 

« C’est pour ça qu’on préconise la distanciation sociale », précise encore Bruno Lina. Si quelqu’un passe du temps avec d’autres personnes à l’extérieur, dans des supermarchés, mais désinfecte ses courses, c’est qu’il n’a rien compris … je trouve ça hallucinant ! »

« Toute cette psychose autour des courses alimentaires, c’est vraiment un faux problème », renchérit Benjamin Davido, infectiologue à l’hôpital Raymond Poincaré en région parisienne. « Il faut rappeler qu’on vit quotidiennement avec des bactéries et des virus dans notre environnement, la question c’est de savoir comment on s’en protège. »

« La main protège de ce virus et de tous les autres » 

Selon Benjamin Davido, « Le virus ne passe pas à travers les pores de la peau. Les gestes barrière servent à limiter cette contamination sur les mains, avec des excrétions qu’on mettrait ensuite sur les muqueuses. Le risque sur un caddie de supermarché par exemple est vraiment résiduel, on n’est pas dans un contact direct avec une grosse quantité de virus. »

« On a l’impression qu’on a trouvé un nouveau vecteur de la maladie », ajoute-t-il. « Mais ce sont les mêmes que pour d’autres maladies : chaque année, quand il y a la grippe, on ne passe pas les bouteilles à l’eau de Javel ! »

Pas de contamination par voie digestive

L’infectiologue compare le mode de transmission du coronavirus avec le virus de la gastro-entérite : « Il faut comprendre que le coronavirus n’infecte pas par voie digestive a priori. La gastro, c’est différent : la main est un vecteur », on parle de risque « manuporté », qui n’existe pas pour le coronavirus.

« On ne prend pas les bonnes mesures en cas d’épidémie de gastro », regrette Benjamin Davido, « alors que pour le coronavirus cette transmission cutanée n’est que résiduelle. La charge virale en est inconnue et il n’y a pas de contamination digestive. »

La question des emballages

Une étude de chercheurs de l’Université de Californie a montré que le coronavirus pouvait survivre pendant plusieurs heures sur différentes surfaces. L’équipe a détecté le virus plusieurs jours après l’avoir déposé sur du plastique, de l’acier ou du bois.

« Il y a aussi une notion de dose infectante », explique Bruno Lina. En effet, le virus ne peut pas infecter les êtres humains s’il est présent en trop petite quantité. « Certes il y a un risque car le virus reste potentiellement infectieux, mais tout dépend de la quantité de virus qu’il reste. Si on se lave les mains régulièrement, ça ne pose aucun problème ! »

Hygiène de base

Selon Benjamin Davido, « On peut retirer les emballages. Mais c’est l’occasion de rappeler les bons réflexes : surtout pour éviter la gastro, le réflexe doit être de retirer les emballages alimentaires superflus. »

L’infectiologue espère que les gestes mis en place pendant l’épidémie perdureront : « Les gens vont se rendre compte qu’ils n’appliquent pas les principes de précaution hors temps d’épidémie. C’est comme ça qu’on va éviter de répandre d’autres maladies. »

Alors, comment éviter tout risque ?

« Quand on touche quelque chose qui a été contaminé, il vaut mieux se laver les mains », rappelle le Pr Davido. « Pour les fruits et légumes, si on a vraiment peur, on les rince à l’eau claire et on les épluche. On a plus de risque de se contaminer quand un malade prépare les repas. »

« Que les gens appliquent les mesures de sécurité, ça sera suffisant », affirme simplement Bruno Lina. Benjamin Davido est moins laconique : « On oublie que lorsqu’on prépare à manger, on cuit les aliments, et ça tue le virus. Si on résume, li n’y a pas grand chose dans l’alimentation qui sert de vecteur de contamination. »