Coronavirus

Coronavirus : les modalités d’indemnisation des salariés sont assouplies

Un décret du 9 mars complète deux décrets parus ces dernières semaines concernant les conditions dérogatoires d’indemnisation des salariés se trouvant dans l’impossibilité de travailler en raison de l’épidémie du coronavirus. Retour sur les principales mesures prévues par ces textes.

Le décret du 9 mars (D. n° 2020-227, 9 mars 2020 : JO, 10 mars), qui modifie le premier décret paru le 31 janvier (D. n° 2020-73, 31 janvier 2020 : JO 1er février) sur les conditions d’indemnisation des salariés concernés par le coronavirus, prévoit notamment d’indemniser les parents qui sont contraints de rester chez eux pour garder un enfant et de simplifier la procédure d’arrêt de travail des salariés placés en isolement.
Les mesures dérogatoires instaurées par le décret du 4 mars (D. n° 2020-193, 4 mars 2020 : JO, 5 mars) sur l’indemnisation complémentaire versée par l’employeur restent inchangées.

Rappel des conditions dérogatoires d’octroi des IJSS
Le décret du 31 janvier dernier a prévu des dispositions dérogatoires pour les salariés qui font l’objet d’une mesure d’isolement, d’éviction ou de maintien à domicile, dès lors qu’ils ont été en contact avec une personne malade ou qu’ils ont séjourné dans une zone concernée par un foyer épidémique. En cas d’arrêt de travail, ils peuvent bénéficier des indemnités journalières de sécurité sociale (IJSS) sans conditions d’ouverture de droit et dès le premier jour d’arrêt de travail. Le délai de carence de 3 jours ne s’applique pas. La durée maximale de versement de ces indemnités est fixée à 20 jours.

Procédure de délivrance des arrêts de travail dérogatoires.
Les mesures envisagées par le décret initial prévoyaient que, pour bénéficier des indemnités journalières maladie, l’assuré devait avoir obtenu un avis d’arrêt de travail prescrit par un médecin de l’agence régionale de santé (ARS). Cet avis devait être transmis à la CPAM et à l’employeur.

Le décret du 9 mars revient sur cette procédure et prévoit que l’arrêt de travail de l’assuré doit être établi directement par la CPAM dont dépend l’assuré, ou le cas échéant, par les médecins conseils de la caisse nationale d’assurance maladie qui le transmettent à l’employeur.
Le question/réponse diffusé sur le site du ministère du travail précise que seuls les salariés identifiés par l’ARS comme « cas contact à haut risque » peuvent bénéficier d’un arrêt de travail à titre dérogatoire pendant la période d’isolement.

En pratique, c’est la caisse d’assurance maladie compétente qui adresse l’arrêt de travail à l’employeur concerné.

Remarque : les médecins généralistes n’ont pas à ce jour la compétence pour délivrer ces arrêts de travail.

Extension de la procédure dérogatoire d’indemnisation aux parents d’enfants confinés et aux personnes à « risque élevé »
Le décret publié en janvier visait uniquement les assurés qui faisaient l’objet d’une mesure d’isolement, d’éviction ou de maintien à domicile et qui se trouvaient dans l’impossibilité de travailler. Le décret du 9 mars vise également les parents d’un enfant de moins de 16 ans faisant lui-même l’objet d’une telle mesure et qui se trouvent pour l’un des motifs précités, dans l’impossibilité de continuer à travailler.

De plus, un téléservice (declare.ameli.fr) permet aux employeurs de déclarer leurs salariés qui sont contraints de rester à domicile, sans pouvoir avoir recours au télétravail, afin de garder leurs enfants de moins de 16 ans dont l’établissement scolaire est fermé. Dans ce cas, le salarié doit adresser à son employeur une attestation sur l’honneur précisant qu’il est le seul parent à demander le bénéfice de l’arrêt de travail pour garder son enfant à domicile (« attestation de garde d’enfant à domicile »). Un seul parent à la fois peut se voir délivrer un arrêt de travail.

Le site ameli ajoute que l’arrêt peut être délivré pour une durée de 1 à 14 jours renouvelable si besoin. Les parents concernés par ces arrêts de travail pourront bénéficier des indemnités journalières maladie dès le premier jour d’arrêt de travail, sans conditions d’ouverture de droit à compter du 11 mars, et jusqu’à la fin de la fermeture de l’établissement de l’enfant.

Remarque : le site ameli prévoit également que ces arrêts de travail peuvent être délivrés aux parents d’enfants en situation de handicap de moins de 18 ans et pris en charge dans un établissement spécialisé. A noter toutefois que cette mesure n’est pas prévue par les textes.

Une note diffusée sur le site ameli le 17 mars, étend ce téléservice de déclaration en ligne, à compter du 18 mars, aux « personnes dont l’état de santé conduit à les considérer comme présentant un risque de développer une forme sévère de la maladie Covid-19 ». Sont notamment concernées : les femmes enceintes, les personnes atteintes de maladies respiratoires chroniques, d’insuffisances respiratoires chroniques, de mucoviscidose, d’insuffisances cardiques. La liste exhaustive est diffusée sur le site ameli.fr.
Ces personnes doivent rester à leur domicile, en arrêt de travail, si elles ne peuvent avoir recours au télétravail. Elles peuvent désormais se connecter directement, sans passer par leur employeur ou leur médecin traitant, sur le site declare.ameli.fr pour demander un arrêt de travail d’une durée initiale de 21 jours. Il est précisé que cet arrêt pourra être déclaré rétroactivement à la date du vendredi 13 mars.

Indemnités complémentaires de l’employeur

En l’absence de dispositions conventionnelles sur le maintien de salaire.
Le salarié qui se trouve en arrêt de travail en raison d’une mesure d’isolement pour limiter la propagation de l’épidémie de coronavirus, ou en tant que parent d’un enfant de moins de 16 ans dont l’établissement scolaire est fermé bénéficie, en plus des indemnités journalières de la sécurité sociale sans délai de carence, de l’indemnisation complémentaire versées par l’employeur dès le 1er jour d’absence (D. n° 2020-193, 4 mars 2020 : JO, 5 mars).

Remarque : en temps normal, le délai de carence applicable en cas de versement des indemnités complémentaires est, en l’absence de dispositions conventionnelles, de 7 jours (C. trav., art. D. 1226-3).

Cette mesure a été mise en place par le décret du 4 mars par cohérence avec la suppression du délai de carence applicable au versement des indemnités journalières de sécurité sociale.

Remarque : à noter que les textes ne prévoient ni la suppression du délai de carence des indemnités complémentaires versées aux parents d’enfants entre 16 et 18 ans en situation de handicap dont la structure d’accueil est fermée, ni la suppression du délai de carence des indemnités complémentaires versées aux personnes « à risque élevé » en arrêt de travail.

En revanche, les autres conditions pour bénéficier du complément de salaire prévues par les articles L. 1226-1 et D. 1226-1 et suivants du code du travail ont été maintenues et notamment la condition d’un an d’ancienneté. En tout état de cause, l’employeur conserve toute latitude pour décider du versement d’une indemnisation complémentaire plus favorable aux salariés, et notamment sans condition d’ancienneté. Dans ce cas, il doit appliquer la même règle pour l’ensemble des salariés qui sont dans la même situation.
Cette mesure est entrée en vigueur depuis le 6 mars.


En présence de dispositions conventionnelles sur le maintien de salaire De nombreuses conventions collectives prévoient leurs propres conditions d’ouverture et de calcul du maintien de salaire. Il est souvent prévu, par exemple, un délai de carence plus favorable que le délai légal de 7 jours  (C. trav., art. L. 2254-1).

Dès lors, faut-il supprimer ce délai de carence conventionnel en cas d’arrêt de travail d’un salarié faisant l’objet d’une mesure de confinement en raison du coronavirus ?

A notre sens,  la suppression du délai de carence ne vaut que pour celui prévu par le code du travail. Le délai de carence conventionnel reste donc applicable.
Il convient, selon nous, de comparer les conditions du maintien de salaire légale et celles du maintien de salaire conventionnel, et d’appliquer les dispositions les plus avantageuses au salarié.

En effet, dans certains cas, le maintien de salaire conventionnel peut rester plus favorable au salarié, même si le délai de carence est supprimé pour le maintien de salaire légal, lorsque par exemple, la convention collective ne prévoit pas de condition d’ancienneté pour un salarié qui serait arrivé dans l’entreprise depuis moins d’une année.

Remarque : pour effectuer cette comparaison,  il faut apprécier la situation de chaque travailleur in concreto (Rép. min. n° 38027 : JOAN Q, 26 janv. 1981, p. 403) et  au regard de l’avantage dans sa globalité (Cass. soc., 23 mai 2013, n° 12-15.571). La situation pourrait donc être différente pour chaque salarié d’une même entreprise.

En tout état de cause, l’employeur conserve toute latitude pour décider de verser une indemnisation complémentaire plus favorable que celle prévue par la convention collective. Dans ce cas, il doit appliquer la même règle pour l’ensemble des salariés qui sont dans la même situation.

Prolongement de l’application de ce dispositif dérogatoire
Le décret du 9 mars prolonge jusqu’au 30 avril 2020 la possibilité de mettre en œuvre ces mesures dérogatoires d’indemnisation.

Tableau d’indemnisations