La procédure de précision de la lettre de licenciement par l’employeur … se précise

Depuis le 18 décembre 2017, l’employeur peut apporter des précisions sur le motif de rupture invoqué dans la lettre de licenciement, à son initiative ou sur demande du salarié. Des enseignements peuvent être tirés de plusieurs décisions de cours d’appel saisies de litiges relatifs à cette procédure.

Le motif invoqué dans la lettre de licenciement doit être précis

La jurisprudence exige que la lettre de licenciement soit motivée de manière suffisamment précise pour que le salarié comprenne les raisons de son éviction et que, en cas de litige, le juge puisse exercer son contrôle.

Pour être considéré comme suffisamment précis, le motif de licenciement doit être matériellement vérifiable (notamment 1er arrêt du 14 mai 1996 et 2e arrêt du 14 mai 1996). Cela signifie, par exemple, que l’employeur ne peut pas se contenter de faire référence à « un comportement inacceptable du salarié » ou à des « motifs économiques ». L’application de ce principe a induit un abondant contentieux relatif au caractère précis ou imprécis de la motivation retenue par l’employeur dans la lettre de licenciement, car la mention d’un motif imprécis équivaut à une absence de motif, qui prive le licenciement de cause réelle et sérieuse (par exemple, arrêt du 29 novembre 1990).

L’imprécision du motif peut être corrigée a posteriori

L’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 a introduit dans le code du travail la possibilité pour l’employeur de corriger l’imprécision du motif énoncé dans la lettre de rupture du contrat de travail dans les 15 jours suivant la notification du licenciement, par lettre recommandée avec avis de réception ou remise en main propre contre récépissé. De son côté, le salarié peut demander, dans ce même délai et ces mêmes formes, des précisions sur ces motifs. L’employeur dispose alors de 15 jours après la réception de cette demande pour les lui communiquer dans les mêmes formes et délai, s’il le souhaite (articles L.1235-2 et R.1232-13 du code du travail pour le licenciement pour motif personnel, et R.1233-2-2 pour le licenciement pour motif économique).

Si le salarié n’a pas demandé de précisions à l’employeur dans le délai de 15 jours, l’irrégularité que constitue une insuffisance de motivation de la lettre de licenciement ne prive pas, à elle seule, le licenciement de cause réelle et sérieuse. Cette irrégularité ouvre seulement droit à une indemnité qui ne peut pas excéder un mois de salaire (article L.1235-2 du code du travail).

► Cette procédure s’applique aux licenciements prononcés pour motif personnel ou pour motif économique depuis le 18 décembre 2017 (arrêt du 22 septembre 2021). L’employeur n’est pas tenu d’informer le salarié de son droit d’obtenir des précisions sur les motifs de la lettre de licenciement (arrêt du 29 juin 2022). Attention : cette procédure ne permet pas d’ajouter de nouveaux motifs de licenciement, mais seulement de préciser ceux qui ont été évoqués (questions-réponses du ministère du travail du 15 juillet 2020).

Plusieurs cours d’appel, saisies de litiges relatifs à l’application de cette procédure, ont apporté des précisions intéressantes.

L’employeur n’est pas obligé de répondre à une demande de précision

Première affaire, jugée par la cour d’appel d’Amiens le 22 février 2023 (en pièce jointe). L’employeur avait licencié le salarié en lui reprochant plusieurs fautes managériales, aux termes d’une lettre de licenciement très circonstanciée. A réception de celle-ci, le salarié a demandé des précisions sans dire les points qu’il souhaitait voir détailler. Par retour de courrier, l’employeur l’a invité à préciser sa demande, ce que le salarié n’a pas fait.

Pour les juges, la lettre de licenciement contenait toutes les précisions nécessaires pour permettre au salarié de comprendre et d’apprécier les griefs qui lui étaient reprochés. Par conséquent, l’employeur ne pouvait pas utilement répondre à sa demande. Au demeurant, comme le relèvent les juges, le code du travail n’impose pas à l’employeur de répondre à une demande de précision. L’administration s’est également prononcée en ce sens (questions-réponses du ministère du travail du 15 juillet 2020 n° 6).

Si la réponse de l’employeur à une demande est imprécise, le licenciement est abusif

Dans la deuxième affaire, jugée par la cour d’appel de Paris le 5 avril 2023 (en pièce jointe), un salarié avait été licencié pour « non-respect délibéré à plusieurs reprises des consignes de sécurité ». Il avait demandé des précisions sur les manquements qui lui étaient reprochés, mais l’employeur s’est contenté d’explications très limitées, relatives aux conséquences desdits manquements. Cette motivation ne permettait pas aux juges d’exercer leur contrôle : l’employeur aurait dû indiquer la nature des manquements reprochés au salarié. Les précisions données a posteriori étant insuffisantes – et ayant, en tout état de cause, été données hors délai -, le licenciement est jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse.

► Ainsi, si l’employeur ne répond pas à la demande d’un salarié, ou que les précisions qu’il apporte en réponse sont insuffisantes, le licenciement insuffisamment motivé sera jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse, et non irrégulier.

Sanction allégée si le salarié n’a pas fait usage de la faculté de demander des précisions

Dernière décision : celle de la cour d’appel de Toulouse du 24 février 2023 (en pièce jointe). Un salarié avait été licencié pour motif économique, sans que la lettre de rupture ne précise l’incidence de ce motif sur l’emploi ou le contrat de travail de l’intéressé. Or sans cette mention, le licenciement est insuffisamment motivé et donc, en principe, dépourvu de cause réelle et sérieuse (voir notamment arrêt du 30 avril 1997 ; arrêt du 28 janvier 2015). Le salarié contestait la légitimité de son licenciement, mais les juges lui opposent l’article L.1235-2 du code du travail : dès lors qu’il n’a pas usé de la faculté de demander des précisions sur les motifs du licenciement dans le délai de 15 jours, l’insuffisance de motivation ne prive pas, à elle seule, le licenciement de cause réelle et sérieuse. Le salarié pouvait seulement demander à être indemnisé à hauteur d’un mois de salaire, au titre de cette irrégularité.

► On relèvera que, dans cette affaire, les juges ont pris en compte le fait que l’employeur avait informé le salarié de la possibilité de demander des précisions sur le motif de rupture par une mention de la lettre de licenciement. Bien qu’une telle indication ne soit pas obligatoire (arrêt du 29 juin 2022), elle permet ici à l’employeur de démontrer sa loyauté à l’égard du salarié.

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