Si la salarié inapte conteste le poste proposé, le médecin du travail doit à nouveau être sollicité

Si un salarié refuse le poste proposé par son employeur en raison de son incompatibilité avec les recommandations émises dans l’avis d’inaptitude, l’employeur n’est pas réputé avoir satisfait à son obligation de reclassement et doit solliciter à nouveau l’avis du médecin du travail.

L’obligation de reclassement de l’employeur d’un salarié déclaré inapte par le médecin du travail est réputée satisfaite lorsqu’il a proposé au salarié un autre emploi approprié à ses capacités, aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail, en prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail (C. trav., art. L. 1226-2-1 en cas de maladie ou d’accident non professionnels ; C. trav., art. L. 1226-12 en cas de maladie ou d’accident professionnels). Si le salarié inapte refuse ce poste, l’employeur peut engager la procédure de licenciement.

Cette présomption de bonne exécution de l’obligation de reclassement du salarié inapte a été introduite dans le Code du travail par la loi Travail du 8 août 2016. Le législateur a ainsi radicalement modifié le déroulement de la procédure de reclassement. En effet, la jurisprudence antérieure de la Cour de cassation imposait à l’employeur essuyant un refus du salarié de continuer à chercher un poste de reclassement jusqu’à épuisement des possibilités de reclassement (voir, par exemple, Cass. soc., 29 nov. 2006, n° 05-43.470). Désormais, une seule proposition de poste peut suffire, dès lors qu’elle correspond aux critères fixés par le Code du travail.
Mais si le salarié refuse cette proposition parce qu’il estime qu’elle ne répond pas à ces critères, l’employeur peut-il passer outre et engager la procédure de licenciement ?
Par un arrêt du 22 octobre 2025, la Cour de cassation répond à cette question par la négative, nuançant ainsi les conditions d’application de la présomption de reclassement.

En l’espèce, un vendeur monteur chez un opticien en arrêt de travail à la suite d’une maladie professionnelle est déclaré inapte à son poste de travail par le médecin du travail. Ce dernier précise sur son avis que le salarié peut occuper un poste de vendeur et un poste sans gestes répétitifs des membres supérieurs et sans gestes amenant à placer le bras au-dessus de la ligne des épaules. 
Tenant compte de ces préconisations, l’employeur propose au salarié un poste de vendeur qu’il refuse au motif que celui-ci ne serait pas compatible avec les préconisations du médecin du travail. Licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement, il saisit la juridiction prud’homale afin de contester la rupture de son contrat de travail, arguant d’un manquement de l’employeur à son obligation de reclassement.

Pour la cour d’appel, l’employeur n’a pas satisfait à son obligation de reclassement et le licenciement du salarié est sans cause réelle et sérieuse. Après avoir constaté que le salarié avait refusé le poste de vendeur proposé par l’employeur au motif qu’il n’était pas compatible avec les préconisations du médecin du travail, elle a retenu que ce dernier n’avait pas validé ce poste au vu d’un descriptif précis des tâches à accomplir. L’employeur s’était en effet contenté d’adresser une lettre au médecin du travail lui indiquant qu’un poste de vendeur conforme à ses recommandations allait être proposé au salarié, sans préciser les tâches d’un vendeur.

Estimant à l’inverse avoir satisfait à son obligation de reclassement, l’employeur se pourvoit en cassation.

Il soutient : 
– que le poste proposé au salarié était conforme aux dispositions du Code du travail et aux préconisations du médecin du travail, celui-ci ayant expressément indiqué qu’un poste de vendeur pourrait convenir.
– que le médecin du travail, informé par courrier de la proposition qui allait être soumise au salarié, ne s’y était pas opposé.
– et que sa proposition de reclassement était loyale. 

La Cour de cassation ne partage pas l’analyse de l’employeur et approuve la cour d’appel d’avoir jugé qu’il a manqué à son obligation de reclassement.
Pour elle, lorsque le salarié conteste la compatibilité de l’emploi proposé avec les recommandations du médecin du travail émises dans l’avis d’inaptitude, il appartient à l’employeur de solliciter à nouveau l’avis de ce dernier.

Remarque :
La Cour de cassation fait ici application de la solution qu’elle a déjà retenue dans de précédentes décisions rendues en matière d’aptitude avec réserves (Cass. soc., 6 févr. 2008, n° 06-44.413) ou d’inaptitude du salarié (Cass. soc., 23 sept. 2009, n° 08-42.525). Elle a également déjà jugé a contrario que, dès lors que l’employeur a proposé au salarié inapte un poste de reclassement préalablement validé par le médecin du travail, il n’est pas tenu de saisir à nouveau ce médecin si le salarié conteste la compatibilité de ce poste avec son état de santé (Cass. soc., 27 mars 2019, n° 17-27.986).

Ces solutions avaient été retenues sous l’empire des textes antérieurs à la modification du Code du travail par la loi Travail. Mais, pour la Cour de cassation, elles ont toujours vocation à s’appliquer, la présomption d’exécution de l’obligation de reclassement n’y faisant pas obstacle.

En l’espèce, la cour d’appel avait fait ressortir que le poste de vendeur proposé au salarié n’avait pas été préalablement validé par le médecin du travail. C’est donc à juste titre qu’elle en a déduit, au regard des contestations émises par le salarié quant à la compatibilité du poste proposé avec son état de santé, qu’il incombait à l’employeur de solliciter un nouvel avis du médecin du travail, ce que celui-ci ne justifiait pas avoir fait.

 Cass. soc., 22 oct. 2025, n° 24-14.641

src Valérie DUBOIS pour Site Veille Permanente