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Fraude au CPF : l’Assemblée nationale interdit le démarchage téléphonique et durcit le recours à la sous-traitance

Fin du démarchage commercial par téléphone, SMS ou via les réseaux sociaux, échange d’information entre les acteurs, recours à la sous-traitance encadré… La proposition de loi sur la fraude au CPF (compte personnel de formation) a été adopté, à l’unanimité, en première lecture, à l’Assemblée nationale, le 6 octobre. Le détail du texte.

SMS, coups de téléphone, mails… De nombreux Français sont sollicités chaque jour par des démarcheurs concernant le compte personnel de formation (CPF). Parfois à la limite du harcèlement. Sur les réseaux sociaux, un mot-clé « #BalanceTaFormation » permet même aux internautes de répertorier les arnaques au CPF. La méthode est rodée. L’interlocuteur annonce en général au titulaire du CPF (crédité de 500 euros chaque année) qu’il va bientôt perdre son argent s’il ne le dépense pas tout de suite dans une formation. Des formations qui n’existent pas le plus souvent.

Le préjudice de la fraude est énorme : il est estimé 43,2 millions d’euros, en 2021 par Tracfin, la cellule anti-blanchissement du ministère des finances, contre 7,8 millions d’euros, en 2020.

Mais ces pratiques pourraient bientôt ne plus avoir cours si les sénateurs confirment le vote de la proposition de loi « visant à lutter contre la fraude au compte personnel de formation« , adoptée, à l’unanimité, à l’Assemblée nationale, le 6 octobre. Le démarchage abusif au titre du CPF serait interdit.

« Des pratiques qui ternissent l’image du CPF »

« Il est de notre devoir de dépolluer les pratiques illégales qui créent indument de la dépense, ternissent l’image du CPF et dépossèdent le titulaire de son libre arbitre », a rappelé Carole Grandjean, la ministre déléguée à l’enseignement et la formation professionnels, en ouverture des débats, devant les députés, le 6 octobre.

Le texte, porté par Sylvain Maillard, député de Paris (Renaissance, ex-LREM) et Bruno Fuchs, député du Haut-Rhin (Modem), était attendu de longue date. En février dernier, Catherine Fabre, à l’époque députée LREM de Gironde, avait déposé une première, proposition de loi, assez similaire. Laquelle n’avait pas pu être examinée en raison de la fin de la session parlementaire anticipée due aux élections présidentielle et législative. Plusieurs tentatives avaient ensuite été effectuées pour intégrer un véhicule législatif, via des amendements, notamment lors des débats sur la loi pouvoir d’achat, mais sans succès.

375 000 euros d’amende

Dans le détail, l’article 1 de la proposition de loi inscrit dans les codes de la consommation et du travail l’interdiction du démarchage commercial par SMS, téléphone ou via les réseaux sociaux au titre du CPF. En cas de manquement à cette interdiction, le texte fixe le montant de l’amende administrative à 75 000 euros maximum pour une personne physique et à 375 000 euros pour une personne morale.

Par ailleurs, l’article 2 étend le champ des acteurs concernés par un échange d’informations utiles à la lutte contre la fraude au CPF, afin d’intégrer dans la boucle les organismes financeurs, les organismes et instances délivrant la certification Qualiopi ainsi que les ministères et organismes certificateurs. Il prévoit également de lever le secret professionnel et d’instaurer un droit de communication d’informations entre les agents de la Caisse des dépôts et consignations chargés de la lutte contre la fraude au CPF et les agents chargés de la lutte contre le travail illégal. « Cette disposition leur permettra d’échanger tout renseignement ou document utile à leurs missions respectives de lutte contre la fraude au CPF et de lutte contre le travail illégal », indique l’exposé des motifs.

La CDC pourra recouvrir les sommes perçues à tort

En outre, pour permettre à la Caisse des dépôts et consignations (CDC) d’encaisser plus facilement les sommes perçues illégalement, le texte lui confère les moyens de mettre en œuvre un recouvrement forcé. Une prérogative déjà attribuée à Pôle emploi pour « lutter contre l’évasion des fonds ». Actuellement, la Caisse des dépôts ne peut pas obtenir l’exécution forcée de la créance.

Le recours à la sous-traitance encadré

Surtout, et c’est peut-être la grande nouveauté du texte, l’article 4 encadre, via un amendement du gouvernement déposé en séance publique, le recours à la sous-traitance. Ces organismes qui officient pour le compte d’autres prestataires n’ont pas actuellement l’obligation d’être référencés sur la plateforme Moncompteformation et donc d’en respecter les conditions générales d’utilisation. Or, selon l’amendement 13, « certains organismes de formation y font appel de manière systématique et non régulée ce qui peut porter préjudice à la qualité des formations sans moyen d’intervention en retour ». D’où l’idée de respecter, à travers ce texte, les mêmes conditions que les prestataires afin d’être référencés sur la plateforme.

Selon le gouvernement, il s’agit « de rendre les organismes de formation transparents et responsables de la qualité de leurs sous-traitants, d’une part en les déclarant à la Caisse des dépôts et consignations et d’autre part, en interdisant le portage Qualiopi ».lequel permet à un organisme référencé de sous-traiter tout ou partie d’une formation à un prestataire qui ne possède pas la certification Qualiopi.

Plusieurs dysfonctionnements ont été pointés, notamment la réactivité des sous-traitants, sommés d’être opérationnels en « 24 heures » sur la plateforme Moncompteformation. Un délai qui « peut interroger sur la capacité et les moyens mis en œuvre par l’organisme de portage pour contrôler efficacement les formations proposées par son futur sous-traitant », indique l’exposé des motifs de cet amendement.

En cas de manquements du sous-traitant, le donneur d’ordre pourra être déférencé. Un décret précisera la mise en musique de ces dispositions.  

Si l’étendue de la sous-traitance n’a pas été communiquée, on ne connaît, pas pour l’heure le nombre d’organismes concernés, cette nouvelle donne pourrait faire évoluer les pratiques. Et rendre le contrôle de la qualité de l’organisme tout comme celui de la formation plus effectif. A suivre !

src Anne BARIET pour ActuelCE