Rupture conventionnelle : l’indemnité conventionnelle de licenciement ne peut pas être écartée

Lorsqu’un accord collectif prévoit une indemnité conventionnelle de licenciement plus favorable que l’indemnité légale, elle doit être versée au salarié ayant conclu une convention de rupture, même si l’accord renvoie à l’indemnité légale pour certains motifs de licenciement.

Selon le code du travail, l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle ne peut pas être inférieure à l’indemnité légale de licenciement. Cette indemnité est égale, pour tous les licenciements notifiés pour motif personnel ou pour motif économique depuis le 27 septembre 2017, à (C. trav., art. L ; 1237-13 et R. 1234-2)  :

– 1/4 de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années jusqu’à 10 ans.
– 1/3 de mois pour les années à partir de 10 ans.

L’Ani sur la modernisation du marché du travail du 11 janvier 2008 (étendu par arrêté du 23 juillet 2008 : JO, 25 juill.) prévoit par ailleurs qu’en cas de rupture conventionnelle, le salarié doit bénéficier d’une indemnité spécifique dont le montant ne peut être inférieur à celui de l’indemnité de rupture interprofessionnelle unique créée par ledit accord (autrement dit, l’indemnité légale de licenciement), sauf dispositions conventionnelles plus favorables. Un avenant du 18 mai 2009 à l’Ani du 11 janvier 2008, étendu par arrêté, a par la suite clairement imposé le versement de l’indemnité conventionnelle de licenciement, dès lors qu’elle s’avère plus favorable que l’indemnité légale.

Mais lorsqu’une convention collective prévoit encore deux types d’indemnités conventionnelles de licenciement, l’une pour motif personnel, l’autre pour motif économique, que se passe-t-il ?
Le ministère du travail considère que, dans une telle situation, l’indemnité de rupture conventionnelle est égale à (Instr. DGT n° 2009-25, 8 déc. 2009) :
– l’indemnité légale de licenciement si au moins une des indemnités conventionnelles est inférieure à l’indemnité légale ;
– l’indemnité conventionnelle dont le montant est le moins élevé, si les deux indemnités conventionnelles sont supérieures à l’indemnité légale.

La Cour de cassation vient de prendre position en la matière dans un arrêt du 5 mai 2021.Dans cette affaire, l’accord collectif applicable à l’entreprise prévoyait le versement d’une indemnité conventionnelle de licenciement plus élevée que l’indemnité légale dans deux hypothèses : en cas de licenciement pour insuffisance résultant d’une incapacité professionnelle et en cas de difficultés économiques sérieuses mettant en cause la pérennité de l’entreprise. Tous les autres cas de licenciement pour motif personnel n’ouvraient droit qu’à l’indemnité légale de licenciement.
L’employeur avait donc versé à la salariée avec laquelle il avait conclu une rupture conventionnelle l’équivalent de l’indemnité légale de licenciement. Ce que la salariée n’avait pas tardé à contester devant les prud’hommes.
Devant les juges du fond, l’employeur estime :
– que lorsque la convention ou l’accord collectif applicable prévoit une indemnité de licenciement réservée à certains cas de rupture pour motif personnel, renvoyant pour le reste à l’indemnité légale, et une indemnité pour motif économique, le salarié peut seulement prétendre à une indemnité de rupture conventionnelle au moins égale à l’indemnité légale de licenciement ;
– et qu’en l’espèce, le renvoi à l’indemnité légale de licenciement pour les autres cas de rupture pour motif personnel devait être assimilé à l’indemnité la plus faible qui doit prévaloir en cas de pluralité d’indemnités conventionnelles de licenciement. Concrètement, il considérait en quelque sorte que l’accord prévoyait trois montants d’indemnité conventionnelle distincts (indemnité pour certains cas de rupture pour motif personnel, indemnité légale pour les autres motifs et indemnité pour motif économique) et qu’il fallait donc appliquer le montant le plus faible, soit celui renvoyant à l’indemnité légale de licenciement.

Mais la Cour de cassation, approuvant la cour d’appel et faisant fi de l’argumentation de l’employeur, constate simplement que l’accord collectif litigieux prévoyant une indemnité conventionnelle plus favorable que l’indemnité légale de licenciement, « la salariée pouvait prétendre à une indemnité spécifique de rupture d’un montant qui ne pouvait pas être inférieur à l’indemnité conventionnelle de licenciement » .

Cass. soc., 5 mai 2021, n° 19-24.650