Réforme des retraites  : vue d’ensemble des impacts de la loi du 14 avril 2023 sur les salariés et les employeurs du secteur privé

La loi n° 2023-270 du 14 avril 2023, outre le recul de l’âge de départ à la retraite, comporte plusieurs mesures impactant la gestion des fins de carrière touchant la retraite progressive, le cumul emploi-retraite, le régime social des indemnités de rupture, l’instauration d’un dispositif de reconversion professionnelle pour les salariés exposés aux facteurs de risque.

La loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 : les mesures développées

La loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 (LFRSS) portant sur la réforme du système de retraite, loi n° 2023-270 du 14 avril 2023, a été publiée au Journal officiel du 15 avril, expurgée des cavaliers sociaux par la décision du Conseil constitutionnel en date du 14 avril .

Nous vous présentons, dans le tableau ci-après, la liste des mesures qui ont un impact pour les salariés et les employeurs du secteur privé dans la gestion des fins de carrière. La plupart des mesures entreront en vigueur le 1er septembre 2023 et nécessitent des décrets d’application, d’autres sont applicables depuis le 16 avril 2023, lendemain de la publication de la loi au Journal officiel. Ces mesures sont développées dans différents articles publiés sur la veille permanente du dictionnaire permanent social ; Il s’agit principalement des mesures suivantes :

– le relèvement progressif de l’âge légal de départ en retraite pour la génération née après le 31 août 1961 ;
– l’augmentation du nombre de trimestres requis pour la génération née après le 31 décembre 1961 ;
– la validation de nouvelles périodes d’activité non salariée en trimestres ;
– les modifications apportées au rachat de trimestres ;
– les changements apportés aux dispositifs de retraite anticipée ;
– le recours facilité au dispositif de retraite progressive ;
– l’encouragement au cumul emploi retraite ;
– l’instauration d’une nouvelle contribution patronale sur les indemnités de rupture conventionnelle individuelle ou de mise à la retraite entraînant un surcoût pour l’employeur;
– la création d’un dispositif de reconversion professionnelle par le C2P et le CPF pour les salariés exposés à certains  risques .

Certains articles de la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 ne sont pas développés dans nos articles : il s’agit des articles de la loi concernant les régimes spéciaux et  le secteur public ainsi que les mesures n’ayant pas d’impact direct sur les salariés et les entreprises.

Synthèse des articles de la loi du 14 avril 2023 impactant la gestion des fins de carrière :

Article de la loi et articles codifiés modifiésContenu de la mesureDate d’entrée en vigueur
Régime social de l’indemnité de rupture conventionnelle individuelle et de l’indemnité de mise à la retraite
• Article 4-I, 2° et 4° et 4-II de la loi
• CSS, art. L. 137-12 mod., L. 137-15 mod. et L. 242-1 mod.
• Modifications apportées au régime social  de l’indemnité de mise à la retraite (à partir de 67 ans) : remplacement de la contribution actuelle de 50 % sur la totalité de l’indemnité par  une contribution patronale spécifique de 30% sur la fraction d’indemnité exonérée de cotisation ;
• Modifications apportées au régime social de l’indemnité de rupture conventionnelle individuelle : lorsque l’âge du salarié n’ouvre pas droit à une pension de vieillesse : exonération de cotisations et de CSG/CRDS (plafonnée) ;lorsque l’âge du salarié ouvre droit à une pension de vieillesse : remplacement du forfait social au taux de 20 % actuel par une contribution patronale spécifique de 30 % sur la fraction d’indemnité exonérée de cotisation
• Indemnités versées à l’occasion des ruptures de contrat de travail intervenant à compter du 1er septembre 2023 (art. 4-II)
• Entrée en vigueur non subordonnée à un décret
Age légal de départ à la retraite, nombre de trimestres requis , validation et rachat de trimestres
• Article 10-I,2°
• CSS, art. L. 161-17-2 mod
• Relèvement progressif de l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans à compter du 1er septembre 2023
• Pensions de vieillesse prenant effet à compter du 1er septembre 2023 (pour les générations nées après le 31 août 1961)
• Nécessité d’un décret d’application qui augmentera l’âge actuel de départ à la retraite (62 ans) de 3 mois par génération , à compter de celle née à partir du 1er septembre 1961  jusqu’à atteindre 64 ans (générations nées à partir du 1er janvier 1968)
• Mesure transitoire : possibilité pour les personnes qui ont demandé leur retraite et dont le versement est prévu après le 31 août 2023 d’annuler cette demande selon des conditions à fixer par décret (art. 10-XXVI)
• Article 10-I, 3°
• CSS, art. L. 161-17-3 mod.
Accélération du calendrier prévu par la réforme dite « Touraine »  sur le passage à une durée du nombre de trimestres requis permettant d’obtenir une pension de vieillesse à taux plein (50- %) soit 172 trimestres (43 annuités)• Pensions de retraite prenant effet à compter du 1er septembre 2023 (pour les générations nées après le 31 août 1961)
• Mesure transitoire : possibilité pour les personnes qui ont demandé leur retraite et dont le versement est prévu après le 31 août 2023 d’annuler cette demande selon des conditions à fixer par décret (art. 10-XXVI)
• Article 10-I, 5°
• CSS, art. L. 351-8,1° mod.
• Maintien à 67 ans de l’âge ouvrant droit, de manière systématique, à une pension de retraite à taux plein (50 %), sans décote même si le nombre de trimestres requis n’est pas atteint.
• Réécriture de l’article L .351-8 pour assurer ce maintien (remplacement de la référence à l’âge légal augmenté de 5 ans par la référence au futur âge légal de 64 ans augmenté de 3 ans).
Au 1er septembre 2023
• Articles 10-I, 6° et 17-I, 3°
• CSS, art. L. 351-14-1, I mod.et l ; 351-6-1 mod.
• Prise en compte de nouvelles périodes d’activité non salariée dans en tant que trimestre cotisé : périodes de sport de haut niveau (C. sport, art. L. 221-2)… ;
• Valorisation des trimestres de retraite acquis dans le cadre du C2P dans le calcul de la pension de retraite
Au 1er septembre 2023
• Article 10-I, 7 et 8° et 10-XXV
• CSS, art. L. 351-14-1, II mod.
• Rachat de trimestres au titre des périodes d’études supérieures : la demande de rachat pourra se faire jusqu’à l’âge de 30 ans (ou plus selon l’âge fixé par décret) et non plus jusqu’au terme de 10 années à compter de la fin des études (art. 10, I, 7°)
• Rachat de trimestres au titre des périodes de stage : la demande de rachat pourra se faire jusqu’à l’âge de 25 ans (ou plus selon l’âge fixé par décret) et non plus dans un délai de 2 ans  (art. 10, I, 8°)
• Remboursement possible des rachats de trimestres effectués par les personnes nées à compter du 1er septembre 1961, dans un délai de 2 ans à compter du 16 avril 2023 , soit jusqu’au 16 avril 2023 (art. 10, XXV).
• Au 1er septembre 2023
• Nécessité d’un décret fixant l’âge 
Les dispositifs de retraite anticipée
• Article 11-I, 5°, 6, 8°, 9° , 11-VII et 17-I, 2°
• CSS, art. L. 161-17-3 mod., L. 161-21-1 mod., L. 351-1-1 mod., L. 351-1-1- A nouv., L. 351-8,1° mod.
• Nouvelles conditions, à préciser par décret, pour bénéficier des différents cas de retraite anticipée (carrières longues, handicap, incapacité permanente d’origine professionnelle, inaptitude, incapacité permanente d’un taux minimum) : départ à la retraite  au moins 1 an avant l’âge légal pour les carrières longues, inaptitude, incapacité permanente d’un taux minimum et jusqu’à 9 ans avant l’âge légal en cas de handicap.
• prise en compte des périodes du congé de proche aidant pour valider des trimestres dans une certaine limite
• Concernant le départ anticipé au titre du compte professionnel de prévention (C2P) : départ à la retraite au moins 2 ans avant l’âge légal de droit commun : voir plus loin
• Pensions de retraite prenant effet à compter du 1er septembre 2023
• Entrée en vigueur nécessitant la publication de décret d’application pour fixer les âges de départ anticipé à la retraite et les modalités concrètes
Congé de reconversion professionnelle via le C2P et congé de transition professionnelle via le CPF pour les salariés exposés aux facteurs de risques
• Article 17-III, V,
• C. trav., art. L. 4163-2-1 nouv., L. 4163-5 mod ; L. 4163-7 mod., L. 4163-8-1 à L. 4163-8-5  mod., L. 6323-17 -1 mod., L. 6323-17-2 mod.
• Établissement possible par accords de branche de listes de métiers ou activités exposés aux 3 facteurs de risques ergonomiques visés par l’article L. 4161-I,1° (port de charges lourdes, posture pénible,vibration mécanique)
• Instauration de la possibilité d’utiliser le C2P (compte professionnel de prévention) pour financer un projet de reconversion professionnelle permettant d’accéder à un métier non exposé à un risque : financement de la formation ou autre action prévu par le projet et le cas échéant, financement de sa rémunération pendant le congé de reconversion. Les points inscrits sur le C2P sont convertis en euros et versés sur le CPF 
• Fixation du plafond du nombre de points pouvant être affectés au projet de reconversion professionnelle par décret
• Assimilation du congé de reconversion professionnelle à du temps de travail effectif pour les droits liés à l’ancienneté et maintien des avantages acquis avant le congé (C. trav., art. l. 4163-8-5).
• Ouverture du congé de transition professionnelle via le CPF pour les salariés exposés à un risque afin d’accéder à un métier sans risque
• Création d’un fonds pour la prévention de l’usure professionnelle
Entrée en vigueur effective à la date de publication des décrets d’application
Cumul emploi retraite
• Article 26-I, 2° à 6°
• CSS, art. L. 161-22 mod. et L. 161-22-1 mod.
• C. trav., art. L .1237-7 et L. 1237-9 mod.
• Acquisition de droits à la retraite en cas de cumul emploi-retraite , sans incidence sur le montant de la pension déjà liquidée mais permettant une deuxième liquidation plafonnée
• Limitation à une seule indemnité de départ ou de mise à la retraite : celle versée lors de la première liquidation complète
1er septembre 2023 (art. 26-XII)
Retraite progressive
• Article 26-I, 7°, 26-V, et 26-XII
• CSS, art. L. 161-22-1-5 et s.
• C. trav., art. L. 3121-60-1, L. 3123-4-1, L. 3123-7
• Accès à la retraite progressive au moins 1 ans avant l’âge légal à la retraite : à préciser par décret
• Nouveau formalisme : refus possible de l’employeur uniquement si incompatibilité du temps partiel demandé avec l’activité économique de l’entreprise et nécessité pour l’employeur de motiver le refus par écrit dans les 2 mois . A défaut, la demande est acceptée
• Information du salarié sur une simulation de la liquidation partielle de leur retraite
• Possibilité pour le salarié de ne pas appliquer la durée minimale de temps partiel prévu par le code du travail (24 heures par semaine ou durée conventionnelle)
• Pour la dispense d’appliquer la durée minimale de travail : 16 avril 2023
• Pour le reste : demandes effectuées à partir du 1er septembre 2023
• Mesure transitoire : pour les retraites progressives en cours d’exécution au 1er septembre 2023, maintien du régime de la retraite progressive antérieure mais liquidation de la retraite totale possible que si les nouvelles conditions d’âge et de nombre de trimestres sont réunies

src : Nathalie LEBRETON pour VP ELnet