Présomption de démission en cas d’abandon de poste : la procédure est fixée par décret

Un décret du 17 avril précise la procédure devant être respectée par l’employeur souhaitant faire jouer le mécanisme de présomption de démission en cas d’abandon de poste par un salarié. Il fixe également à 15 jours le délai minimal laissé au salarié pour justifier son absence et reprendre son poste. Il a été complété par un Questions-Réponses publié dans la foulée par le ministère du travail.

Jusqu’à présent, un salarié en abandon de poste pouvait – pour ce motif – être licencié par l’employeur puis prétendre à des allocations chômage. Pour contrecarrer cet effet jugé pernicieux,  la loi « marché du travail »  du 21 décembre 2022 a institué une présomption (simple) de démission en cas d’abandon de poste par un salarié, ce qui a pour effet de le priver des dites allocations.

Ainsi, un nouvel article L. 1237-1-1 du code du travail prévoit qu’un salarié ayant abandonné volontairement son poste de travail et ne le reprenant pas après avoir été mis en demeure de le faire et de justifier son absence dans un certain délai fixé par l’employeur est présumé avoir démissionné à l’expiration de ce délai.

Il s’agit d’une présomption simple, pouvant être contestée par le salarié devant le bureau de jugement du conseil de prud’hommes, qui statue sur la nature de la rupture et ses conséquences et ce, dans le délai d’un mois suivant sa saisine.

Le délai laissé au salarié pour justifier son absence et reprendre son poste est fixé à 15 jours minimum

Un décret du 17 avril précise la procédure de mise en demeure et fixe à 15 jours le délai minimal donné au salarié pour justifier son absence et reprendre son poste après la mise en demeure (C. trav., art. R. 1237-13 nouv.). Un Questions-Réponses mis en ligne sur le site du Ministère du travail précise qu’il s’agit de jours calendaires (QR, point n° 2). 

Le délai commence à courir à la date de présentation de cette mise en demeure. A l’issue du délai, en l’absence de réponse ou s’il ne prend pas son poste dans le délai imparti, le salarié est présumé démissionnaire. Il sera également considéré comme tel s’il répond clairement à l’employeur qu’il ne reprendra pas son poste sans davantage justifier son absence. Dans ce cas, les règles de droit commun s’appliquent et il est supposé devoir effectuer un préavis de démission (mais compte tenu du contexte, il est peu probable qu’il l’effectue : dans ce cas, l’employeur ne lui devra aucune indemnité compensatrice). Le QR précise que si l’employeur prend l’initiative de le dispenser de préavis, il devra lui verser une indemnité compensatrice. Dans le cas où employeur et salarié se mettraient d’accord pour que le préavis ne soit pas effectué, l’indemnité compensatrice ne serait pas due.

Remarque : en revanche, le salarié a droit à une indemnité de congés payés pour ceux acquis mais non pris.

Le QR précise que le salarié sera considéré comme démissionnaire « à la date ultime de reprise du travail fixée par l’employeur » , c’est-à-dire le dernier jour du délai imparti (il semblerait pourtant logique de plutôt retenir le lendemain de cet « ultime jour »).

Remarque : l’employeur devra alors remettre au salarié les documents de fin de contrat habituels (certificat de travail, solde de tout compte, attestation d’assurance chômage). 

Le décret détermine également les conditions dans lesquelles le salarié peut invoquer un motif légitime susceptible de faire obstacle à cette présomption de démission.

Mise en demeure nécessaire

L’employeur constatant l’abandon de poste et souhaitant faire jouer la présomption de démission doit mettre le salarié en demeure par lettre recommandée avec avis de réception ou remise en main propre contre décharge de justifier son absence et de reprendre son poste (C. trav., art. R. 1237-13 nouv.). Il est également souhaitable de lui demander la raison de cette absence afin d’en recueillir la justification éventuelle, de lui préciser qu’à défaut de réponse dans ce délai, il sera présumé démissionnaire et qu’il ne pourra à ce titre pas prétendre à une indemnisation chômage (QR, point n° 2).

Remarque : s’agissant de la remise en main propre, on peut supposer que ce mode de délivrance sera peu utilisé dans la mesure où le salarié est absent de l’entreprise, et que c’est justement cette absence qui justifie d’enclencher la procédure. Pour des raisons de preuve, l’usage de la lettre recommandée avec AR est conseillé.

En réponse à cette mise en demeure, le salarié peut justifier son absence en invoquant et précisant un motif légitime. Le décret précise que peuvent « notamment »  être invoqués les motifs suivants (ce qui laisse supposer que la liste n’est pas limitative) :

– raisons médicales ;
– exercice du droit de retrait (C. trav., art. L. 4131-1) ;
– exercice du droit de grève (C. trav., art. L. 2511-1) ;
– refus du salarié d’exécuter une instruction contraire à une réglementation ;
– modification du contrat de travail à l’initiative de l’employeur (sans qu’il ait donné son accord).

Dans ce cadre, le salarié peut solliciter l’assistance d’une organisation représentative de salariés ou d’un avocat (QR, point n° 13)

Attention : l’employeur n’est pas obligé de recourir à la mise en demeure pour bénéficier de la présomption de démission. Il peut aussi décider de ne rien faire : dans ce cas, le contrat de travail du salarié est suspendu, et sa rémunération également (QR, point n° 1).

Remarque : dans le cas où l’employeur souhaite mettre fin à la relation de travail, le Questions-Réponses du ministère du travail (qui n’a, rappelons-le, pas de valeur juridique) donne toutefois une précision « troublante » : il doit mettre en œuvre la procédure de mise en demeure et de présomption de démission et « n’a plus vocation à engager une procédure de licenciement pour faute » . Est-ce à dire dans ce cas qu’il ne pourrait pas faire le choix de licencier directement le salarié pour abandon de poste comme il pouvait le faire auparavant et qu’il doit nécessairement passer par la phase de mise en demeure ? Le décret du 17 avril est bien moins catégorique et précise que »si » l’employeur « entend faire valoir la présomption de démission », il doit passer par la phase de mise en demeure …

L’employeur n’a pas à demander au salarié qu’il confirme sa démission par écrit, y compris si la convention collective dont il relève l’exige (QR, point n° 6).

Décision du bureau de jugement en cas de contestation du salarié

Il reviendra au bureau de jugement du conseil de prud’hommes, saisi par le salarié, d’évaluer la « qualité »  de la justification qu’il avance. S’il l’estime légitime, l’abandon de poste sera imputable à l’employeur et produira les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, justifiant le versement des indemnités de rupture afférentes et permettant le cas échéant au salarié de prétendre au bénéfice des allocations chômage. Dans le cas contraire, il produira bien les effets d’une démission, privative de toute indemnité et allocation.

src Marie Excoffier pour VP Elnet